La noyalière de Clarisse Aubestat

LA NOYALIERE DE CLARISSE AUBESTAT.

 

Casimir était mort le premier . Le choléra avait, bientôt , emporté aussi les parents encore jeunes . A peine âgée de vingt ans , Clarisse Aubestet restait seule maitresse de l'imposant domaine .

Elle aimait le bois de pins , la foret de feuillus , les grands herbages où paissaient les vaches tranquilles et les peureux moutons , les plaines à blé , les avoines souples et les figuiers sombres et ombreux . Elle aimait le jardin aux primeurs , les petits pois tirés au cordeau, les citrouilles béates. Elle longeait avec plaisir les plants de tournesols, elle aspirait à larges bouffées la roseraie , elle picorait les tulipes pour de légers bouquets.

Mais ,  par dessus tout , elle adorait le grand terrain pentu chargé de mille plantes , elle adorait la noyalière, la Noyalière des Délices comme aimait à l'appeler sa mère

C'est là que le père , depuis plus de vingt ans déjà , avait commencé à sélectionner les plus beaux troncs, les plus riches plants , les plus charnus fruitiers , les trapus myrobolans dont les branches à la saison ployaient jusqu'à terre sous le poids des fruits , les abricotiers pimpants qui capturaient le soleil , et les oliviers tor­sadant leurs branches noueuses d'athlètes bossus , et les pruniers crèques,  les s bignons , les somptueuses  pavies nectarines , los candides mirabelles ,. les cossus bigarreaux.. Mais les envoutaient des arbres plus riches ou plus rares : le sombre noyer  juglans , le terne amandier ,et l'insolite  kolatier et l'intrus jujubier et l'opaque cornouiller.

Et puis, deci de là , les acides et pimpantes griottes , les pulpeuses reine-claudes craquelées par le soleil ,vio­lentées par les oisillons, les pêches régionales et les bru­gnons .

Le noyaliere était bordée d'épais fourrés d'épines noires et de lauriers-cerises , l'isolant vers le Nord d'un vieux cimetière abandonné . Le père de Clarisse avait tenté là de bien étran­ges greffes , espérant aboutir à des fruit de nouveaux : la noix à peau de pêche , l'olive rouge au goût de prune peut-être ...

            Vous décrire par quels artifices démoniaques , par quel labeur insensé il avait fait fructifier ce melting-pot végétal n'est pas mon propos .

Vous décrire la passion de la fille pour cette ter­re gorge de grossesses végétales, pour cette vie palpitante et potentielle des fruits pulpeux , pour cette maternité intense et violente de chaque printemps , dépasse les ressources lyriques de ma grise plume .

Mais c'est là que Clarisse Aubestat  était  heureuse, c'est là qu'elle se sentait baigner dans cette nature proli­xe et luxurieuse, autant que luxuriante , somptueuse et créatrice , mère gaspilleuse de ses dons mais prolifique , pro­lifique à jamais .

Elle a bientôt abandonné aux domestiques la gestion du reste du domaine ,les bœufs d’élevage , la crème, le beurre et le fourrage , le froment , le poulet de grain. Elle a  taillé , greffé , sarclé , biné , sulfaté .

A regret peut-être , elle a cueilli les fruits charnus , lac lourdes noix. Elle les a elle-même  vendus sur les marchés d’alentour, sur les foires renommées de la région, dans les pièges à touristes de la belle saison.

Et puis, le temps sourd de l'hiver revenu , comme son père , elle prépare ses plants , elle imagine ses greffes, elle protège du froid le moindre arbuste sous des monceaux de paillons. Mais peu à peu, au fil des ans, les campagnes ont commencé de mourir , les gens ont quitté leurs fermes pour la ville, l'usine ou parfois le mirage lointain des colonies .

Les domestiques de Clarisse, aussi, sont partis , laissant en souffrance les champs, les bis et la vieille et somptueuse demeure.

Les années passent, le bétail meurt et la nature désordonnée et sauvage ,toujours à l’affut, envahit les anciennes terres à blé, le vignoble , 1es jardins, poussant devant elle ses ronciers , ses orties , son chiendent.

Clarisse ne voit rien, ne vit que pour la Noyalière. La vieille bâtisse s'écroule peu à peu, son toit s’éventre , ses bois pourrissent .

Clarisse           s'installe dans la cabane à outils au coin de son verger. Elle va vivre là, de plus en plus recluse , ignorant même le proche village, se nourrissant de fruits , des produits d'un restent de poulailler , du lait de trois ou quatre brebis .

Les gens oublieront bientôt sa haute silhouette toujours vêtue d'une ample robe blanc-grisâtre, sa longue chevelure cendrée devenue blanche, son teint de craie ses grands yeux pâles. Elle ne quitte plus ses arbres essayant toujours ses greffes insensées, se colletant, jour après jour, saison après saison,  année après année, avec la fière nature, avec son empire feuillu, pour essayer en vain de lui imposer ses contraintes les plus absurdes. Impossible chirurgien de la flore, dérisoire docteur Moreau du monde végétal .

Sa passion et son talent lui permettaient cependant d'obtenir les fruits les plus somptueux qui aient jamais existé , pensait-elle , et que nul autre qu'elle même n'a jamais pu contempler . Elle les regarde avec orgueil, ne se résigne parfois à les cueillir que lorsqu'ils pourrissent et que la faim la tenaille par trop.

Et des milliers d'oiseaux , à chaque belle saison, viennent s'abattre sur les arbres gorgés à craquer de fruits pulpeux. Et des centaines de petits rongeurs trottinent maintenant entre les troncs , épiant los fruits tombés ou les oisillons morts .

En vain, Clarisse se bat contre eux, tend des pièges, dresse des épouvantails. Peine perdue.

Bientôt attirés, des oiseaux de proie se sont installés sur les ruines de la vieille maison, immobiles, silencieux. Et delà, depuis les poutres, les parnes et les chevrons branlants , depuis les cheminées effondrées depuis les pans de mur, des vols carnassiers de gerfauts , de faucons , de hobereaux fondent sur le verger, saisissant mulots , souris, , petits écureuils .

Clarisse défend ses arbres, défend sa terre farouchement, sans espoir contre les bêtes, contre
des milliers de bêtes.

Et les années ont passé.

Au hasard d'une promenade.., j'ai découvert la noyalière depuis longtemps rendue à la nature. Beaucoup d’arbres sont morts , dressant encore quelques branches sinistres. De-ci, delà , quelques uns portent encore de rares fruits , de petites noix grises , d'insignifiantes griottes amères

L'épine noire a quitté les haies et envahit peu à peu le terrain, supplantée elle-même par les robiniers , par des fougères immenses. Des liserons enserrent de leurs fleurs blanches les vieux oliviers les pêchers rabougris . Dans le cimetière perdu, on distingue encore , granit jauni de lichen , quelques pierres tombales à demi-renversées par la végétation exubérante. Dans la noyalièr, contre le mur du cimetière , une grande pierre dressée attire le regard, sorte de haute borne plate et large, de teinte blanc -grisâtre , crayeuse Elle surprend d'autant plus que les plantes sauvages semblent s’carter d'elle ; nul liseron ne s'enroule sur elle, nul roncier ne tente de la refouler,         nul pissenlit n’avilit son pied, nulle mousse ne dépare son tronc .

Cette Pierre bizarre, les gens du pays l'appellent Clarisse, mais ils ne savent plus pourquoi.

LA NOYALIERE DE CLARISSE AUBESTAT.

 

Casimir était mort le premier . Le choléra avait, bientôt , emporté aussi les parents encore jeunes . A peine âgée de vingt ans , Clarisse Aubestet restait seule maitresse de l'imposant domaine .

Elle aimait le bois de pins , la foret de feuillus , les grands herbages où paissaient les vaches tranquilles et les peureux moutons , les plaines à blé , les avoines souples et les figuiers sombres et ombreux . Elle aimait le jardin aux primeurs , les petits pois tirés au cordeau, les citrouilles béates. Elle longeait avec plaisir les plants de tournesols, elle aspirait à larges bouffées la roseraie , elle picorait les tulipes pour de légers bouquets.

Mais ,  par dessus tout , elle adorait le grand terrain pentu chargé de mille plantes , elle adorait la noyalière, la Noyalière des Délices comme aimait à l'appeler sa mère

C'est là que le père , depuis plus de vingt ans déjà , avait commencé à sélectionner les plus beaux troncs, les plus riches plants , les plus charnus fruitiers , les trapus myrobolans dont les branches à la saison ployaient jusqu'à terre sous le poids des fruits , les abricotiers pimpants qui capturaient le soleil , et les oliviers tor­sadant leurs branches noueuses d'athlètes bossus , et les pruniers crèques,  les s bignons , les somptueuses  pavies nectarines , los candides mirabelles ,. les cossus bigarreaux.. Mais les envoutaient des arbres plus riches ou plus rares : le sombre noyer  juglans , le terne amandier ,et l'insolite  kolatier et l'intrus jujubier et l'opaque cornouiller.

Et puis, deci de là , les acides et pimpantes griottes , les pulpeuses reine-claudes craquelées par le soleil ,vio­lentées par les oisillons, les pêches régionales et les bru­gnons .

Le noyaliere était bordée d'épais fourrés d'épines noires et de lauriers-cerises , l'isolant vers le Nord d'un vieux cimetière abandonné . Le père de Clarisse avait tenté là de bien étran­ges greffes , espérant aboutir à des fruit de nouveaux : la noix à peau de pêche , l'olive rouge au goût de prune peut-être ...

            Vous décrire par quels artifices démoniaques , par quel labeur insensé il avait fait fructifier ce melting-pot végétal n'est pas mon propos .

Vous décrire la passion de la fille pour cette ter­re gorge de grossesses végétales, pour cette vie palpitante et potentielle des fruits pulpeux , pour cette maternité intense et violente de chaque printemps , dépasse les ressources lyriques de ma grise plume .

Mais c'est là que Clarisse Aubestat  était  heureuse, c'est là qu'elle se sentait baigner dans cette nature proli­xe et luxurieuse, autant que luxuriante , somptueuse et créatrice , mère gaspilleuse de ses dons mais prolifique , pro­lifique à jamais .

Elle a bientôt abandonné aux domestiques la gestion du reste du domaine ,les bœufs d’élevage , la crème, le beurre et le fourrage , le froment , le poulet de grain. Elle a  taillé , greffé , sarclé , biné , sulfaté .

A regret peut-être , elle a cueilli les fruits charnus , lac lourdes noix. Elle les a elle-même  vendus sur les marchés d’alentour, sur les foires renommées de la région, dans les pièges à touristes de la belle saison.

Et puis, le temps sourd de l'hiver revenu , comme son père , elle prépare ses plants , elle imagine ses greffes, elle protège du froid le moindre arbuste sous des monceaux de paillons. Mais peu à peu, au fil des ans, les campagnes ont commencé de mourir , les gens ont quitté leurs fermes pour la ville, l'usine ou parfois le mirage lointain des colonies .

Les domestiques de Clarisse, aussi, sont partis , laissant en souffrance les champs, les bis et la vieille et somptueuse demeure.

Les années passent, le bétail meurt et la nature désordonnée et sauvage ,toujours à l’affut, envahit les anciennes terres à blé, le vignoble , 1es jardins, poussant devant elle ses ronciers , ses orties , son chiendent.

Clarisse ne voit rien, ne vit que pour la Noyalière. La vieille bâtisse s'écroule peu à peu, son toit s’éventre , ses bois pourrissent .

Clarisse           s'installe dans la cabane à outils au coin de son verger. Elle va vivre là, de plus en plus recluse , ignorant même le proche village, se nourrissant de fruits , des produits d'un restent de poulailler , du lait de trois ou quatre brebis .

Les gens oublieront bientôt sa haute silhouette toujours vêtue d'une ample robe blanc-grisâtre, sa longue chevelure cendrée devenue blanche, son teint de craie ses grands yeux pâles. Elle ne quitte plus ses arbres essayant toujours ses greffes insensées, se colletant, jour après jour, saison après saison,  année après année, avec la fière nature, avec son empire feuillu, pour essayer en vain de lui imposer ses contraintes les plus absurdes. Impossible chirurgien de la flore, dérisoire docteur Moreau du monde végétal .

Sa passion et son talent lui permettaient cependant d'obtenir les fruits les plus somptueux qui aient jamais existé , pensait-elle , et que nul autre qu'elle même n'a jamais pu contempler . Elle les regarde avec orgueil, ne se résigne parfois à les cueillir que lorsqu'ils pourrissent et que la faim la tenaille par trop.

Et des milliers d'oiseaux , à chaque belle saison, viennent s'abattre sur les arbres gorgés à craquer de fruits pulpeux. Et des centaines de petits rongeurs trottinent maintenant entre les troncs , épiant los fruits tombés ou les oisillons morts .

En vain, Clarisse se bat contre eux, tend des pièges, dresse des épouvantails. Peine perdue.

Bientôt attirés, des oiseaux de proie se sont installés sur les ruines de la vieille maison, immobiles, silencieux. Et delà, depuis les poutres, les parnes et les chevrons branlants , depuis les cheminées effondrées depuis les pans de mur, des vols carnassiers de gerfauts , de faucons , de hobereaux fondent sur le verger, saisissant mulots , souris, , petits écureuils .

Clarisse défend ses arbres, défend sa terre farouchement, sans espoir contre les bêtes, contre
des milliers de bêtes.

Et les années ont passé.

Au hasard d'une promenade.., j'ai découvert la noyalière depuis longtemps rendue à la nature. Beaucoup d’arbres sont morts , dressant encore quelques branches sinistres. De-ci, delà , quelques uns portent encore de rares fruits , de petites noix grises , d'insignifiantes griottes amères

L'épine noire a quitté les haies et envahit peu à peu le terrain, supplantée elle-même par les robiniers , par des fougères immenses. Des liserons enserrent de leurs fleurs blanches les vieux oliviers les pêchers rabougris . Dans le cimetière perdu, on distingue encore , granit jauni de lichen , quelques pierres tombales à demi-renversées par la végétation exubérante. Dans la noyalièr, contre le mur du cimetière , une grande pierre dressée attire le regard, sorte de haute borne plate et large, de teinte blanc -grisâtre , crayeuse Elle surprend d'autant plus que les plantes sauvages semblent s’carter d'elle ; nul liseron ne s'enroule sur elle, nul roncier ne tente de la refouler,         nul pissenlit n’avilit son pied, nulle mousse ne dépare son tronc .

Cette Pierre bizarre, les gens du pays l'appellent Clarisse, mais ils ne savent plus pourquoi.

LA NOYALIERE DE CLARISSE AUBESTAT.

 

Casimir était mort le premier . Le choléra avait, bientôt , emporté aussi les parents encore jeunes . A peine âgée de vingt ans , Clarisse Aubestet restait seule maitresse de l'imposant domaine .

Elle aimait le bois de pins , la foret de feuillus , les grands herbages où paissaient les vaches tranquilles et les peureux moutons , les plaines à blé , les avoines souples et les figuiers sombres et ombreux . Elle aimait le jardin aux primeurs , les petits pois tirés au cordeau, les citrouilles béates. Elle longeait avec plaisir les plants de tournesols, elle aspirait à larges bouffées la roseraie , elle picorait les tulipes pour de légers bouquets.

Mais ,  par dessus tout , elle adorait le grand terrain pentu chargé de mille plantes , elle adorait la noyalière, la Noyalière des Délices comme aimait à l'appeler sa mère

C'est là que le père , depuis plus de vingt ans déjà , avait commencé à sélectionner les plus beaux troncs, les plus riches plants , les plus charnus fruitiers , les trapus myrobolans dont les branches à la saison ployaient jusqu'à terre sous le poids des fruits , les abricotiers pimpants qui capturaient le soleil , et les oliviers tor­sadant leurs branches noueuses d'athlètes bossus , et les pruniers crèques,  les s bignons , les somptueuses  pavies nectarines , los candides mirabelles ,. les cossus bigarreaux.. Mais les envoutaient des arbres plus riches ou plus rares : le sombre noyer  juglans , le terne amandier ,et l'insolite  kolatier et l'intrus jujubier et l'opaque cornouiller.

Et puis, deci de là , les acides et pimpantes griottes , les pulpeuses reine-claudes craquelées par le soleil ,vio­lentées par les oisillons, les pêches régionales et les bru­gnons .

Le noyaliere était bordée d'épais fourrés d'épines noires et de lauriers-cerises , l'isolant vers le Nord d'un vieux cimetière abandonné . Le père de Clarisse avait tenté là de bien étran­ges greffes , espérant aboutir à des fruit de nouveaux : la noix à peau de pêche , l'olive rouge au goût de prune peut-être ...

            Vous décrire par quels artifices démoniaques , par quel labeur insensé il avait fait fructifier ce melting-pot végétal n'est pas mon propos .

Vous décrire la passion de la fille pour cette ter­re gorge de grossesses végétales, pour cette vie palpitante et potentielle des fruits pulpeux , pour cette maternité intense et violente de chaque printemps , dépasse les ressources lyriques de ma grise plume .

Mais c'est là que Clarisse Aubestat  était  heureuse, c'est là qu'elle se sentait baigner dans cette nature proli­xe et luxurieuse, autant que luxuriante , somptueuse et créatrice , mère gaspilleuse de ses dons mais prolifique , pro­lifique à jamais .

Elle a bientôt abandonné aux domestiques la gestion du reste du domaine ,les bœufs d’élevage , la crème, le beurre et le fourrage , le froment , le poulet de grain. Elle a  taillé , greffé , sarclé , biné , sulfaté .

A regret peut-être , elle a cueilli les fruits charnus , lac lourdes noix. Elle les a elle-même  vendus sur les marchés d’alentour, sur les foires renommées de la région, dans les pièges à touristes de la belle saison.

Et puis, le temps sourd de l'hiver revenu , comme son père , elle prépare ses plants , elle imagine ses greffes, elle protège du froid le moindre arbuste sous des monceaux de paillons. Mais peu à peu, au fil des ans, les campagnes ont commencé de mourir , les gens ont quitté leurs fermes pour la ville, l'usine ou parfois le mirage lointain des colonies .

Les domestiques de Clarisse, aussi, sont partis , laissant en souffrance les champs, les bis et la vieille et somptueuse demeure.

Les années passent, le bétail meurt et la nature désordonnée et sauvage ,toujours à l’affut, envahit les anciennes terres à blé, le vignoble , 1es jardins, poussant devant elle ses ronciers , ses orties , son chiendent.

Clarisse ne voit rien, ne vit que pour la Noyalière. La vieille bâtisse s'écroule peu à peu, son toit s’éventre , ses bois pourrissent .

Clarisse           s'installe dans la cabane à outils au coin de son verger. Elle va vivre là, de plus en plus recluse , ignorant même le proche village, se nourrissant de fruits , des produits d'un restent de poulailler , du lait de trois ou quatre brebis .

Les gens oublieront bientôt sa haute silhouette toujours vêtue d'une ample robe blanc-grisâtre, sa longue chevelure cendrée devenue blanche, son teint de craie ses grands yeux pâles. Elle ne quitte plus ses arbres essayant toujours ses greffes insensées, se colletant, jour après jour, saison après saison,  année après année, avec la fière nature, avec son empire feuillu, pour essayer en vain de lui imposer ses contraintes les plus absurdes. Impossible chirurgien de la flore, dérisoire docteur Moreau du monde végétal .

Sa passion et son talent lui permettaient cependant d'obtenir les fruits les plus somptueux qui aient jamais existé , pensait-elle , et que nul autre qu'elle même n'a jamais pu contempler . Elle les regarde avec orgueil, ne se résigne parfois à les cueillir que lorsqu'ils pourrissent et que la faim la tenaille par trop.

Et des milliers d'oiseaux , à chaque belle saison, viennent s'abattre sur les arbres gorgés à craquer de fruits pulpeux. Et des centaines de petits rongeurs trottinent maintenant entre les troncs , épiant los fruits tombés ou les oisillons morts .

En vain, Clarisse se bat contre eux, tend des pièges, dresse des épouvantails. Peine perdue.

Bientôt attirés, des oiseaux de proie se sont installés sur les ruines de la vieille maison, immobiles, silencieux. Et delà, depuis les poutres, les parnes et les chevrons branlants , depuis les cheminées effondrées depuis les pans de mur, des vols carnassiers de gerfauts , de faucons , de hobereaux fondent sur le verger, saisissant mulots , souris, , petits écureuils .

Clarisse défend ses arbres, défend sa terre farouchement, sans espoir contre les bêtes, contre
des milliers de bêtes.

Et les années ont passé.

Au hasard d'une promenade.., j'ai découvert la noyalière depuis longtemps rendue à la nature. Beaucoup d’arbres sont morts , dressant encore quelques branches sinistres. De-ci, delà , quelques uns portent encore de rares fruits , de petites noix grises , d'insignifiantes griottes amères

L'épine noire a quitté les haies et envahit peu à peu le terrain, supplantée elle-même par les robiniers , par des fougères immenses. Des liserons enserrent de leurs fleurs blanches les vieux oliviers les pêchers rabougris . Dans le cimetière perdu, on distingue encore , granit jauni de lichen , quelques pierres tombales à demi-renversées par la végétation exubérante. Dans la noyalièr, contre le mur du cimetière , une grande pierre dressée attire le regard, sorte de haute borne plate et large, de teinte blanc -grisâtre , crayeuse Elle surprend d'autant plus que les plantes sauvages semblent s’carter d'elle ; nul liseron ne s'enroule sur elle, nul roncier ne tente de la refouler,         nul pissenlit n’avilit son pied, nulle mousse ne dépare son tronc .

Cette Pierre bizarre, les gens du pays l'appellent Clarisse, mais ils ne savent plus pourquoi.

LA NOYALIERE DE CLARISSE AUBESTAT.

 

Casimir était mort le premier . Le choléra avait, bientôt , emporté aussi les parents encore jeunes . A peine âgée de vingt ans , Clarisse Aubestet restait seule maitresse de l'imposant domaine .

Elle aimait le bois de pins , la foret de feuillus , les grands herbages où paissaient les vaches tranquilles et les peureux moutons , les plaines à blé , les avoines souples et les figuiers sombres et ombreux . Elle aimait le jardin aux primeurs , les petits pois tirés au cordeau, les citrouilles béates. Elle longeait avec plaisir les plants de tournesols, elle aspirait à larges bouffées la roseraie , elle picorait les tulipes pour de légers bouquets.

Mais ,  par dessus tout , elle adorait le grand terrain pentu chargé de mille plantes , elle adorait la noyalière, la Noyalière des Délices comme aimait à l'appeler sa mère

C'est là que le père , depuis plus de vingt ans déjà , avait commencé à sélectionner les plus beaux troncs, les plus riches plants , les plus charnus fruitiers , les trapus myrobolans dont les branches à la saison ployaient jusqu'à terre sous le poids des fruits , les abricotiers pimpants qui capturaient le soleil , et les oliviers tor­sadant leurs branches noueuses d'athlètes bossus , et les pruniers crèques,  les s bignons , les somptueuses  pavies nectarines , los candides mirabelles ,. les cossus bigarreaux.. Mais les envoutaient des arbres plus riches ou plus rares : le sombre noyer  juglans , le terne amandier ,et l'insolite  kolatier et l'intrus jujubier et l'opaque cornouiller.

Et puis, deci de là , les acides et pimpantes griottes , les pulpeuses reine-claudes craquelées par le soleil ,vio­lentées par les oisillons, les pêches régionales et les bru­gnons .

Le noyaliere était bordée d'épais fourrés d'épines noires et de lauriers-cerises , l'isolant vers le Nord d'un vieux cimetière abandonné . Le père de Clarisse avait tenté là de bien étran­ges greffes , espérant aboutir à des fruit de nouveaux : la noix à peau de pêche , l'olive rouge au goût de prune peut-être ...

            Vous décrire par quels artifices démoniaques , par quel labeur insensé il avait fait fructifier ce melting-pot végétal n'est pas mon propos .

Vous décrire la passion de la fille pour cette ter­re gorge de grossesses végétales, pour cette vie palpitante et potentielle des fruits pulpeux , pour cette maternité intense et violente de chaque printemps , dépasse les ressources lyriques de ma grise plume .

Mais c'est là que Clarisse Aubestat  était  heureuse, c'est là qu'elle se sentait baigner dans cette nature proli­xe et luxurieuse, autant que luxuriante , somptueuse et créatrice , mère gaspilleuse de ses dons mais prolifique , pro­lifique à jamais .

Elle a bientôt abandonné aux domestiques la gestion du reste du domaine ,les bœufs d’élevage , la crème, le beurre et le fourrage , le froment , le poulet de grain. Elle a  taillé , greffé , sarclé , biné , sulfaté .

A regret peut-être , elle a cueilli les fruits charnus , lac lourdes noix. Elle les a elle-même  vendus sur les marchés d’alentour, sur les foires renommées de la région, dans les pièges à touristes de la belle saison.

Et puis, le temps sourd de l'hiver revenu , comme son père , elle prépare ses plants , elle imagine ses greffes, elle protège du froid le moindre arbuste sous des monceaux de paillons. Mais peu à peu, au fil des ans, les campagnes ont commencé de mourir , les gens ont quitté leurs fermes pour la ville, l'usine ou parfois le mirage lointain des colonies .

Les domestiques de Clarisse, aussi, sont partis , laissant en souffrance les champs, les bis et la vieille et somptueuse demeure.

Les années passent, le bétail meurt et la nature désordonnée et sauvage ,toujours à l’affut, envahit les anciennes terres à blé, le vignoble , 1es jardins, poussant devant elle ses ronciers , ses orties , son chiendent.

Clarisse ne voit rien, ne vit que pour la Noyalière. La vieille bâtisse s'écroule peu à peu, son toit s’éventre , ses bois pourrissent .

Clarisse           s'installe dans la cabane à outils au coin de son verger. Elle va vivre là, de plus en plus recluse , ignorant même le proche village, se nourrissant de fruits , des produits d'un restent de poulailler , du lait de trois ou quatre brebis .

Les gens oublieront bientôt sa haute silhouette toujours vêtue d'une ample robe blanc-grisâtre, sa longue chevelure cendrée devenue blanche, son teint de craie ses grands yeux pâles. Elle ne quitte plus ses arbres essayant toujours ses greffes insensées, se colletant, jour après jour, saison après saison,  année après année, avec la fière nature, avec son empire feuillu, pour essayer en vain de lui imposer ses contraintes les plus absurdes. Impossible chirurgien de la flore, dérisoire docteur Moreau du monde végétal .

Sa passion et son talent lui permettaient cependant d'obtenir les fruits les plus somptueux qui aient jamais existé , pensait-elle , et que nul autre qu'elle même n'a jamais pu contempler . Elle les regarde avec orgueil, ne se résigne parfois à les cueillir que lorsqu'ils pourrissent et que la faim la tenaille par trop.

Et des milliers d'oiseaux , à chaque belle saison, viennent s'abattre sur les arbres gorgés à craquer de fruits pulpeux. Et des centaines de petits rongeurs trottinent maintenant entre les troncs , épiant los fruits tombés ou les oisillons morts .

En vain, Clarisse se bat contre eux, tend des pièges, dresse des épouvantails. Peine perdue.

Bientôt attirés, des oiseaux de proie se sont installés sur les ruines de la vieille maison, immobiles, silencieux. Et delà, depuis les poutres, les parnes et les chevrons branlants , depuis les cheminées effondrées depuis les pans de mur, des vols carnassiers de gerfauts , de faucons , de hobereaux fondent sur le verger, saisissant mulots , souris, , petits écureuils .

Clarisse défend ses arbres, défend sa terre farouchement, sans espoir contre les bêtes, contre
des milliers de bêtes.

Et les années ont passé.

Au hasard d'une promenade.., j'ai découvert la noyalière depuis longtemps rendue à la nature. Beaucoup d’arbres sont morts , dressant encore quelques branches sinistres. De-ci, delà , quelques uns portent encore de rares fruits , de petites noix grises , d'insignifiantes griottes amères

L'épine noire a quitté les haies et envahit peu à peu le terrain, supplantée elle-même par les robiniers , par des fougères immenses. Des liserons enserrent de leurs fleurs blanches les vieux oliviers les pêchers rabougris . Dans le cimetière perdu, on distingue encore , granit jauni de lichen , quelques pierres tombales à demi-renversées par la végétation exubérante. Dans la noyalièr, contre le mur du cimetière , une grande pierre dressée attire le regard, sorte de haute borne plate et large, de teinte blanc -grisâtre , crayeuse Elle surprend d'autant plus que les plantes sauvages semblent s’carter d'elle ; nul liseron ne s'enroule sur elle, nul roncier ne tente de la refouler,         nul pissenlit n’avilit son pied, nulle mousse ne dépare son tronc .

Cette Pierre bizarre, les gens du pays l'appellent Clarisse, mais ils ne savent plus pourquoi.

LA NOYALIERE DE CLARISSE AUBESTAT.

 

Casimir était mort le premier . Le choléra avait, bientôt , emporté aussi les parents encore jeunes . A peine âgée de vingt ans , Clarisse Aubestet restait seule maitresse de l'imposant domaine .

Elle aimait le bois de pins , la foret de feuillus , les grands herbages où paissaient les vaches tranquilles et les peureux moutons , les plaines à blé , les avoines souples et les figuiers sombres et ombreux . Elle aimait le jardin aux primeurs , les petits pois tirés au cordeau, les citrouilles béates. Elle longeait avec plaisir les plants de tournesols, elle aspirait à larges bouffées la roseraie , elle picorait les tulipes pour de légers bouquets.

Mais ,  par dessus tout , elle adorait le grand terrain pentu chargé de mille plantes , elle adorait la noyalière, la Noyalière des Délices comme aimait à l'appeler sa mère

C'est là que le père , depuis plus de vingt ans déjà , avait commencé à sélectionner les plus beaux troncs, les plus riches plants , les plus charnus fruitiers , les trapus myrobolans dont les branches à la saison ployaient jusqu'à terre sous le poids des fruits , les abricotiers pimpants qui capturaient le soleil , et les oliviers tor­sadant leurs branches noueuses d'athlètes bossus , et les pruniers crèques,  les s bignons , les somptueuses  pavies nectarines , los candides mirabelles ,. les cossus bigarreaux.. Mais les envoutaient des arbres plus riches ou plus rares : le sombre noyer  juglans , le terne amandier ,et l'insolite  kolatier et l'intrus jujubier et l'opaque cornouiller.

Et puis, deci de là , les acides et pimpantes griottes , les pulpeuses reine-claudes craquelées par le soleil ,vio­lentées par les oisillons, les pêches régionales et les bru­gnons .

Le noyaliere était bordée d'épais fourrés d'épines noires et de lauriers-cerises , l'isolant vers le Nord d'un vieux cimetière abandonné . Le père de Clarisse avait tenté là de bien étran­ges greffes , espérant aboutir à des fruit de nouveaux : la noix à peau de pêche , l'olive rouge au goût de prune peut-être ...

            Vous décrire par quels artifices démoniaques , par quel labeur insensé il avait fait fructifier ce melting-pot végétal n'est pas mon propos .

Vous décrire la passion de la fille pour cette ter­re gorge de grossesses végétales, pour cette vie palpitante et potentielle des fruits pulpeux , pour cette maternité intense et violente de chaque printemps , dépasse les ressources lyriques de ma grise plume .

Mais c'est là que Clarisse Aubestat  était  heureuse, c'est là qu'elle se sentait baigner dans cette nature proli­xe et luxurieuse, autant que luxuriante , somptueuse et créatrice , mère gaspilleuse de ses dons mais prolifique , pro­lifique à jamais .

Elle a bientôt abandonné aux domestiques la gestion du reste du domaine ,les bœufs d’élevage , la crème, le beurre et le fourrage , le froment , le poulet de grain. Elle a  taillé , greffé , sarclé , biné , sulfaté .

A regret peut-être , elle a cueilli les fruits charnus , lac lourdes noix. Elle les a elle-même  vendus sur les marchés d’alentour, sur les foires renommées de la région, dans les pièges à touristes de la belle saison.

Et puis, le temps sourd de l'hiver revenu , comme son père , elle prépare ses plants , elle imagine ses greffes, elle protège du froid le moindre arbuste sous des monceaux de paillons. Mais peu à peu, au fil des ans, les campagnes ont commencé de mourir , les gens ont quitté leurs fermes pour la ville, l'usine ou parfois le mirage lointain des colonies .

Les domestiques de Clarisse, aussi, sont partis , laissant en souffrance les champs, les bis et la vieille et somptueuse demeure.

Les années passent, le bétail meurt et la nature désordonnée et sauvage ,toujours à l’affut, envahit les anciennes terres à blé, le vignoble , 1es jardins, poussant devant elle ses ronciers , ses orties , son chiendent.

Clarisse ne voit rien, ne vit que pour la Noyalière. La vieille bâtisse s'écroule peu à peu, son toit s’éventre , ses bois pourrissent .

Clarisse           s'installe dans la cabane à outils au coin de son verger. Elle va vivre là, de plus en plus recluse , ignorant même le proche village, se nourrissant de fruits , des produits d'un restent de poulailler , du lait de trois ou quatre brebis .

Les gens oublieront bientôt sa haute silhouette toujours vêtue d'une ample robe blanc-grisâtre, sa longue chevelure cendrée devenue blanche, son teint de craie ses grands yeux pâles. Elle ne quitte plus ses arbres essayant toujours ses greffes insensées, se colletant, jour après jour, saison après saison,  année après année, avec la fière nature, avec son empire feuillu, pour essayer en vain de lui imposer ses contraintes les plus absurdes. Impossible chirurgien de la flore, dérisoire docteur Moreau du monde végétal .

Sa passion et son talent lui permettaient cependant d'obtenir les fruits les plus somptueux qui aient jamais existé , pensait-elle , et que nul autre qu'elle même n'a jamais pu contempler . Elle les regarde avec orgueil, ne se résigne parfois à les cueillir que lorsqu'ils pourrissent et que la faim la tenaille par trop.

Et des milliers d'oiseaux , à chaque belle saison, viennent s'abattre sur les arbres gorgés à craquer de fruits pulpeux. Et des centaines de petits rongeurs trottinent maintenant entre les troncs , épiant los fruits tombés ou les oisillons morts .

En vain, Clarisse se bat contre eux, tend des pièges, dresse des épouvantails. Peine perdue.

Bientôt attirés, des oiseaux de proie se sont installés sur les ruines de la vieille maison, immobiles, silencieux. Et delà, depuis les poutres, les parnes et les chevrons branlants , depuis les cheminées effondrées depuis les pans de mur, des vols carnassiers de gerfauts , de faucons , de hobereaux fondent sur le verger, saisissant mulots , souris, , petits écureuils .

Clarisse défend ses arbres, défend sa terre farouchement, sans espoir contre les bêtes, contre
des milliers de bêtes.

Et les années ont passé.

Au hasard d'une promenade.., j'ai découvert la noyalière depuis longtemps rendue à la nature. Beaucoup d’arbres sont morts , dressant encore quelques branches sinistres. De-ci, delà , quelques uns portent encore de rares fruits , de petites noix grises , d'insignifiantes griottes amères

L'épine noire a quitté les haies et envahit peu à peu le terrain, supplantée elle-même par les robiniers , par des fougères immenses. Des liserons enserrent de leurs fleurs blanches les vieux oliviers les pêchers rabougris . Dans le cimetière perdu, on distingue encore , granit jauni de lichen , quelques pierres tombales à demi-renversées par la végétation exubérante. Dans la noyalièr, contre le mur du cimetière , une grande pierre dressée attire le regard, sorte de haute borne plate et large, de teinte blanc -grisâtre , crayeuse Elle surprend d'autant plus que les plantes sauvages semblent s’carter d'elle ; nul liseron ne s'enroule sur elle, nul roncier ne tente de la refouler,         nul pissenlit n’avilit son pied, nulle mousse ne dépare son tronc .

Cette Pierre bizarre, les gens du pays l'appellent Clarisse, mais ils ne savent plus pourquoi.

 

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